Anaxandre. Nouvelle (1667) : Aux Dames de la Cour de Bruxelles / Privilège
Anaxandre. Nouvelle. Par Mademoiselle Des Jardins, Paris, Jean Ribou, 1667 (Ars. 8° BL 20567)
AUX DAMES DE LA COUR DE BRUXELLES.
Je ne puis souffrir, Mesdames, que vous murmuriez contre moi plus longtemps ; l'honneur de votre bienveillance est trop précieux pour ne pas etre acheté par tout ce qui dépend de mon génie ; et puisqu'il ne faut qu'une histoire de ma façon pour obtenir ma grace de vous, je vais satisfaire à la curiosité obligeante que vous témoignez pour mes ouvrages. Ce n'est pas toutefois la suite des Aventures d'Alcidamie que je vous présente ; cette reine a trop de timidité pour montrer son visage devant des dames aussi éclairées que vous ; et nous avons jugé elle et moi, qu'un jeune héros avait plus de grace à vous faire mes compliments, qu'une princesse déjà effacée, et à qui l'inconstance des gens du siècle n'a laissé qu'une très petite partie des attraits que vous avez autrefois trouvés en elle. C'est donc l'etranger Anaxandre qui va vous solliciter en ma faveur : il n'est pas nécessaire de vous apprendre le lieu de sa naissance, cette particularité est inutile au succès de sa commission ; et puis il ne voudra sans doute estre que de votre pays, sitot qu'il aura eu l'honneur de vous approcher. Je ne crois pas qu'il y ait plus de nécessité de vous dépeindre sa personne ; c'est à lui-même à vous faire son portrait, et comme il est résolu de prendre la forme qui vous sera la plus agréable, il sera de la taille et de la figure dont il faudra etre pour vous plaire. Ses aventures sont plus galantes qu'héroïques ; et quoi qu'il se tirast peut-être assez bien d'une bataille s'il l'avait entrepris, il sait que l'art militaire n'est pas à l'usage des dames, et que vous prendrez plus de plaisir à lui entendre raconter le siège d'un cœur, que celui d'une ville. Tel qu'il est recevez-le de grace, Mesdames, avec cette même bonté qui vous a fait recevoir si obligeamment les respects de celle qui vous l'envoie, et permettez-lui d'entretenir vos excellences avec autant de liberté que vous m'en avez accordé, pour vous assurer de mes très humbles soumissions.
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Anaxandre était dans cet endroit de sa narration, lorsqu'il reçut un ordre de moi de se rendre auprès de vous, ô illustres Dames de la Cour de Bruxelles, et de tâcher à m'acquitter envers vos excellences du commandement dont vous m'aurez honoré pour la suite d'Alcidamie. Je ne sais si cet étranger vous aura paru assez agréable pour vous faire accepter le change qu'il vous offre; mais je sais bien qu'il est si charmé de vos personnes depuis qu'il a l'honneur de vous approcher, que s'il n'est pas parvenu jusques à la gloire de vous divertir, c'est un effet de la mauvaise destinée, où ses désirs n'ont aucune part ; Il a trouvé votre cœur plus charmant que cette île tant vantée dont il vous a fait le tableau : toutes vos dames lui ont paru des peintures achevées de ces belles insulaires qu'il a abandonnées pour vous : les héros incomparables de l'ile des vertus n'ont rien qu'il n'ait rencontré dans Monsieur le Comte de M... et dans les autres héros de votre cour ; et Monsieur le Comte de G... remplit merveilleusement la place de ce jeune héros naissant qu'il avait trouvé si prodigieux dans l'île dont il vous a parlé. Il ne manque plus qu'un seul objet à la matière de toutes ses admirations mais ce trésor caché est trop précieux pour etre communiqué à un misérable étranger comme lui, et il doit louer avec tout le reste de son sexe, de ce qu'une personne si parfaite et pour les beautés de l'âme, et pour celles du corps, est cachée aux yeux de tous les hommes du monde ; car sans cette prudente précaution, ce soleil éclatant aurait embrasé tous ceux qui auraient eu l'audace de souffrir la lumière de ses rayons.
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PRIVILEGE DU ROY
LOUIS par la Grace de Dieu Roy de France & de Navarre : A nos amez & feaux les Gens tenans nos Cours de Parlement, Maitres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, Baillifs, Seneschaux, Prevosts, leurs Lieutenans, & tous autres nos Justiciers & Officiers, Salut. Nostre bien amé JEAN RIBOU, Marchand Libraire en nostre Ville de Paris, nous a fait remontrer qu'il a recouvré un Livre intitulé, ANAXANDRE, Nouvelle, composé par la Damoiselle Desjardins, lequel il desireroit faire imprimer, s'il nous plaisoit luy accorder nos Lettres sur ce necessaires. A CES CAUSES, voulant favorablement traiter l'Exposant, luy avons permis & permettons par ces Presentes, de faire imprimer, vendre & debiter ledit Livre durant cinq années, à commencer du jour qu'il sera achevé d'imprimer ; pendant lequel temps faisons tres-expresses defenses à tous autres Imprimeurs & Libraires de l'imprimer, sous quelque pretexte que ce soit, à peine de cinq cens livres d'amende, payable par chacun des contrevenans, sçavoir moitié à l'Hostel-Dieu de Paris, & l'autre moitié à l'Exposant, confisacation des Exemplaires, despens, dommages & interests, à la charge d'en mettre deux Exemplaires en nostre Biblioteque publique, un en celle de nostre Chasteau du Louvre, & un en celle de nostre tres-cher & feal Chevalier Chancelier de France le Sieur Seguier, avant que de l'exposer en vente, à peine de nullité des Presentes, du contenu desquelles vous mandons faire joüir l'Exposant, ou ceux qui auront droict de luy, pleinement & paisiblement, sans permettre qu'ils y soient troublez. Voulons aussi qu'en mettant au commencement ou à la fin de chacun Exemplaire un Extrait des Presentes, qu'elles soient tenuës pour deuëment signifiées, & qu'aux coppies d'icelles collationnées par l'un de nos amez & feaux Conseillers & Secretaires, foy y soit adjoustée comme au present Original. Si mandons au premier nostre Huissier ou Sergent, faire pour l'execution tous Exploits que beoin sera, sans autre permission : CAR TEL EST NOSTRE PLAISIR, Nonobstant choses quelconques à ce contenuës, & mesmes Clameur de Haro, Charte Normande, & autres Lettres. Donné à Compiegne le treiziéme jour de Juin, l'an de grace mil six cens soixante sept, Et de notre Regne le vingt-cinquiéme. Signé, Par le Roy en son Conseil, GUITONNEAU. Et scellé en cire jaune.
Registré sur le Livre de la Communauté, suivant l’Arrest de la Cour de Parlement.
Achevé d’imprimer le 20. Juin 1667.
Voir aussi l'œuvre en ligne et le résumé.