Annales galantes de Grèce (1687) : incipit / Privilège

Marie-Catherine de Villedieu, gravure de Charles Devrits (1845)

Annales Galantes de Grèce, Paris, Claude Barbin, 1687
(BM de Lyon, cote SJ B 296/25, Tome I) :

 

PREMIÈRE PARTIE.


Assez d'auteurs célèbres ont pris le soin d'écrire les actions mémorables des anciens Grecs, et de les faire passer jusques à nous. Ils en portent la gloire si haut, qu'ils nous ont donné sujet de douter si ce qu'ils rapportent comme des vérités historiques, en sont en effet, ou si ce sont d'agréables fictions ; mais aucun ne s'est encore avisé de parler des Grecques fameuses.
Ils croient les avoir trop honorées lorsqu'en passant, ils nous ont appris leurs noms ; cependant il me semble que les nations étant composées des deux sexes, on ne peint la Grèce qu'à demi, quand on n'en peint que les grands hommes ; ajoutons quelques traits à cette peinture, et disons aujourd'hui quelque chose des dames. Si celles dont je ferai l'histoire sont dignes d'entrer dans mes annales, on leur devait la justice que je leur rends, et si elles ne le sont pas, le Portrait des défauts d'autrui est souvent une morale plus utile, que la remontrance la plus éloquente. Au pis aller, je ne commets que moi, et ne m'expose qu'au péril d'être blâmée d'un peu de témérité, ou de n'avoir pas mis les matières assez fidèlement en œuvre ; le hasard n'est pas mortel, embarquons-nous sur cette risque, et commençons nos Annales de Grèce par les malheurs de la Princesse Phronine.
Elle vivait dans la trentième Olympiade, ce qui reviendrait environ à l'an 1400. de la création du monde, et au centième de la fondation de Rome.
C'est une espèce de superfluité dans un Livre, que l'assurance qu'une Princesse Grecque était belle ; la beauté fut de tous temps le partage singulier de cette nation, et quelque mélange qu'elle ait souffert de plusieurs autres, ce que nous voyons encore des Grecques sont naturellement et généralement plus belles, que les autres femmes du monde.
Phronine, fille d'Etéarque roi de Crète, dont nous écrivons les aventures, avait eu plus de part qu'aucune à cette libéralité du Ciel, et par une conséquence infaillible, elle fut aussi plus exposée à l'envie que les beautés ordinaires.

[...]

Pardonnez-moi, s'il vous plaît, Madame, les expressions dont je suis contrainte de me servir. Je ne m'accuse de mes insolences, que parce que je les ai réparées, et je ne vous répète tous mes blasphèmes, que pour faire mieux éclater les vérités qui en ont triomphé.
Fin de la première partie.

[...]

Comme Déodamie achevait ce discours, la Galiotte aborda ce fameux port de Théras, à qui cet homme illustre avait si justement donné son nom, et qu'il avait rendu si digne de le porter.
Mais n'y a-t-il point assez longtemps que nous y séjournons ? Mes Lecteurs ne s'ennuient-ils pas d'un si long séjour, et ne faut-il point les en délasser par quelques autres recherches ?
Fin de la seconde partie.
 

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Extrait du Privilege du Roy.

PAr Grace & Privilege du Roy, donné à Chavile le 9. d’Aoust 1685. Signé, Par le Roy en son Conseil, LE PETIT, Il est permis à CLAUDE BARBIN, Marchand Libraire, de faire imprimer un Livre intitulé les Annales galantes de Grece par Me de Villedieu pendant le temps de six années ; Et deffenses sont faites à tous autres de l’imprimer, sur peine de deux mil livres d’amande, de tous dépens dommages & interests, comme il est plus au long porté par lesdites Lettres de Privilege. 

Achevé d’imprimer pour la premiere fois le 24. Mars 1687.

Les exemplaires ont été fournis.

Registré sur le Livre de la Communauté des Imprimeurs & Marchands Libraires de cette Ville.

C. ANGOT, Sindic.

 

Voir aussi l'œuvre en ligne et le résumé.