Lisandre. Nouvelle (1663) : À son altesse Royale Mademoiselle / Privilège
Lisandre. Nouvelle. Par Mademoiselle Desjardins, Paris, Barbin, 1663 :
À SON ALTESSE ROYALE MADEMOISELLE.
Comme votre Altesse royale doit mieux scavoir les nouvelles de la Cour que moi, et que les nouvelles de la Ville sont indignes de votre curiosité, je ne vous parlerai ni du départ du roi, ni du désordre que son voyage va causer dans le cœur de quelques dames, et dans la bourse de quelques cavaliers. Ces deux réflexions n'auront (sans doute) pas échappé à votre intelligence, et je crois que V. A. R. se divertira mieux, à la lecture d'une petite histoire qui m'a été écrite depuis quelques jours par une de mes amies, je ne scai point les véritables noms des personnes qui la composent. On s'est si bien persuadé que toute ma direction ne seroit pas à l'épreuve du moindre de vos ordres, qu'on n'a point voulu confier ce secret, et ce que je sais seulement, c'est que l'homme dont j'ai à vous parler, s'appelle Lisandre ; à juger de lui par sa manière de faire l'amour, c'est un homme de la Cour, qui est beaucoup plus spirituel que sincère, et plus galant qu'amoureux; mais si vous en voulez croire mon amie sur sa parole, tout ceci n'est qu'une pure imagination ; je ne scai même dans quel lieu les aventures de Lisandre lui sont arrivées, on me mande que c'est dans un agréable endroit du monde, où la liberté de dire qu'on aime est si bien établie que le mot d'amour n'offense la pudeur d'aucune Dame, mais comme cette maxime commence à devenir de tout païs : elle ne me fait point deviner celui de Lisandre. V. A. R. en jugera, s'il lui plaît, elle-même : voici son histoire mot pour mot.
[...]
Voilà, Mademoiselle, tout ce que je scai des aventures de Lisandre. Si V. A. R. peut deviner si elles sont vraies, ou non, elle me tirera d'un grand embarras, car je vous proteste que je n'y comprens rien. J'ai même si peur que la peine que vous vous donneriez là-dessus ne fût inutile, que je vous supplie de ne la point prendre, et de ne regarder tout cela comme un pur effet de mon imagination. Quel qu'en soit le fondement, il ne peut être que fort glorieux pour moi, s'il me procure l'honneur de divertir durant quelques heures la plus éclairée et la plus magnanime Princesse qui fut jamais.
*****
Extraict du Privilege du Roi.
Par Grace & Privilege du Roy, donné à Paris le 23. Septembre 1663. Signé LE MARESCHAL, il est permis à CLAUDE BARBIN, Marchand Libraire, d’imprimer vendre & debiter un livre intitulé Lisandre Nouvelle, par Mademoiselle des Jardins, & ce durant le temps de sept ans, & deffences sont faites à tous autres de l’imprimer sans son consentement, sur les peines portées par lesdites Lettres.
Voir aussi le résumé.