Les Amours des grands Hommes (1671) : Epistre au Roy / Privilège

Marie-Catherine de Villedieu, gravure de Charles Devrits (1845)

Les Amours des grands Hommes. Par M. de Villedieu, 1671-1672-1680
(Bibliothèque Sainte-Geneviève, cote Y 3452-3453 Rés. inv. 6229-30, Tome I) :
 

EPISTRE AU ROY.

Sire,

La manière obligeante dont votre Majesté reçut l'offrande que je pris la liberté de lui présenter la dernière année, m'a inspiré de lui en faire une nouvelle, au commencement de celle-ci. Les grands hommes n'ont été traduits à la postérité que sous des figures terribles. Les auteurs se sont imaginé les élever au-dessus de l'homme ; quand ils les ont dépouillés de tous les sentiments de la nature : ils nous représentent les philosophes insensibles, et les conquérants ne se montrent à nous que les armes à la main. Quant à moi, SIRE, qui suis persuadée que l'amour est aussi vieux que le monde, j'ai cru pouvoir le démêler dans les incidents, où il semble avoir le moins de part. Je n'ai pas été déçue dans cette opinion, les chroniques secrètes ont été plus fidèles que les histoires générales ; et voici quatre héros d'espèces différentes, qui plus contents d'avoir pratiqué la galanterie, que des actions héroïques qu'on leur attribue, viennent solliciter l'approbation de votre majesté. S'ils obtiennent une audience favorable, ils seront suivis d'un grand nombre d'autres qui sont disposés à les imiter. Je ne doute pas que les savants ne se révoltent contre cette métamorphose, et je crois déjà les entendre dire que je viole le respect dû à la sacrée Antiquité. Mais je ne sais s'ils trouveraient autant d'exemples pour soutenir leur censure, que j'en ai pour autoriser ma licence. Quoiqu'il en soit, mon sexe sera mon retranchement. Il est permis aux dames de chercher des endroits sensibles dans les c?urs les plus illustres, et celles qui ne peuvent y parvenir par leurs charmes, sont en droit de se tracer un autre chemin. J'en aurais découvert un bien glorieux pour moi, SIRE, si je pouvais me flatter de la pensée d'avoir diverti votre majesté pendant quelques heures. Cette noble ambition a devancé en moi les lumières de la raison. Je lui dois toutes les entreprises de mon génie ; et je puis dire que mes souhaits les plus ardents seront accomplis, si votre Majesté lit avec quelque plaisir la protestation de zèle, et de soumission profonde que vous fait ici, Sire

De Votre majesté,

 

La très humble, très soumise, très fidèle servante et sujette
Desjardins de Villedieu

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PRIVILEGE

du Roy.

LOUIS PAR LA GRACE DE DIEU, ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE : A nos amez & feaux Conseillers, les Gens tenans nos Cours de Parlements, Maistres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, Prevost de Paris, Baillifs, Seneschaux, & autres Prevosts, leurs Lieutenants Civils, & autres nos Justiciers & Officiers qu’il appartiendra : SALUT. Nostre chere & bien amée la Dame DESJARDINS, veuve du feu Sieur DE VILLEDIEU, Nous a fait remontrer qu’elle a composé un Livre intitulé, Les Amours des grands Hommes, lequel elle desireroit faire imprimer & donner au public ; Requerant sur ce nos Lettres de Privilege necessaires, qu’elle nous a tres‑humblement fait suplier luy octroyer : A CES CAUSES, voulans favorablement traiter ladite Exposante ; Nous luy avons permis & accordé, permettons & accordons par ces presentes, de faire imprimer ledit Livre par tel Libraire ou Imprimeur, en tel volume, tome, marge, caractere, & autant de fois que bon luy semblera, pendant le temps de sept années consecutives, à commencer du jour qu’il sera achevé d’imprimer ; & iceluy vendre & debiter partout nostre Royaume, Pays & Terres de nostre obeïssance ; Faisons deffenses à tous Libraires, Imprimeurs & autres, d’imprimer, faire imprimer, vendre & distribuer ledit Livre, sous quelque pretexte que ce soit, mesme d’impression Estrangere, ou autrement, sans le consentement de ladite Exposante, ou de ses ayans cause, sur peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, amende arbitraire, dépens, dommages & interests. A la charge d’en mettre deux Exemplaires en nostre Biblioteque publique, un autre en nostre Cabinet des Livres de nostre Chasteau du Louvre, & un en celle de nostre tres‑cher & feal Chevalier, Chancelier de France, le Sieur Seguier, avant que de les exposer en vente, à peine de nullité des presentes. Du contenu desquelles vous mandons & enjoignons faire joüir ladite Dame Exposante, & ses ayans cause, pleinement et paisiblement, cessant & faisant cesser tous troubles & empeschemens au contraire. Voulons qu’en mettant au commencement ou à la fin dudit Livre l’Extrait des presentes, elles soient tenuës pour deuëment signifiées ; Et qu’aux Copies collationnées par l’un de nos amez & feaux Conseillers Secretaires, foy soit adjoûtée comme au present Original : MANDONS au premier nostre Huissier ou Sergent sur ce requis, faire pour l’execution des presentes toutes significations, deffenses, & autres Actes requis & necessaires, sans demander autre permission : CAR tel est nostre plaisir. DONNE à Paris, le quatriéme jour de Decembre mil six cens soixante‑dix. Et de nostre Regne le vingt‑huitiéme : Signé, Par le Roy en son Conseil, LE ROUGE : Et scellé.

 

Et ladite Dame DESJARDINS a cedé son droit de Privilege à CLAUDE BARBIN, Marchand Libraire, pour en jouyr suivant l’accord fait entr’eux.

 

Registré sur le Livre de la Communauté des Marchands Libraires & Imprimeurs de cette Ville de Paris, suivant l’Arrest de Parlement du 8. Avril 1653.

L. SEVESTRE, Syndic.

 Achevé d'imprimer pour la premiere fois le 29. Decembre 1670.

 

Voir aussi l'œuvre en ligne et le résumé.