Le Portefeuille (1674) : À Madame***
Le Portefeuille, éd. J.-P. Homand et M. Th. Hipp, Exeter, University Printing Unit, 1979
(Texte établi d'après l'éd. de Paris, Barbin, 1702) :
À MADAME***
J'étais, il y quelques jours, au Jardin des Simples, où j'admirais avec une de mes amies l'indulgence que l'hiver a pour nous cette année. Nous y trouvions l'air aussi doux qu'au commencement de l'automne, et nous nous promenâmes si longtemps que nous nous lassâmes. Nous entrâmes dans le petit bois, où il y a des sièges, pour nous reposer, et j'y choisissais ma place de l'œil, lorsque j'aperçus un portefeuille de velours noir, qu'apparemment quelqu'un qui s'était promené avant nous y avait oublié. Je l'ouvris, et j'y trouvai des lettres si agréables que je croirais manquer à ce que je vous dois, si je manquais à vous en faire part. J'ai fort raisonné sur l'histoire dont elles traitent, et comme je suis persuadée que les noms en sont supposés, j'ai fait ce qu'il m'a été possible pour deviner les véritables. Mais je n'y ai rien imaginé qui m'ait semblé juste. Ce qu'il y a de vrai, c'est que la manière dont cela est écrit est fort à la mode, et que le caractère des gens qui en font les aventures est celui de la plupart des gens du grand monde. Vous m'en direz à votre retour ce que vous en penserez, car, Madame, ne vous avisez pas de ne faire que le mander : il n'y a que trop longtemps que votre absence dure, faites-la cesser comme vous me l'avez promis, et songez que personne ne la supporte avec tant d'impatience que votre très humble et très obéissante servante,
DESJARDINS-
DE VILLEDIEU
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