Recueil de quelques lettres ou Relations galantes (1668-1669) : À Mademoiselle de Sevigny/ Le Libraire au Lecteur

Marie-Catherine de Villedieu, gravure de Charles Devrits (1845)

Recueil de quelques lettres ou Relations galantes. Par Mlle Des Jardins,
Paris, Barbin, 1668 et 1669 :
 

À MADEMOISELLE DE SEVIGNY.

Mademoiselle,

L'estime particulière que je sais que Mademoiselle Desjardins fait de vous, m'oblige à vous présenter ce recueil de quelques-unes de ses lettres, et à vous demander en leur faveur, une protection, que le beau sexe est obligé (en quelque sorte) d'accorder à tous ses ouvrages. Ceux-ci sont d'un caractère à dépendre du jugement d'une ruelle galante, plutôt que de celui de l'académie ; et comme je les imprime en son absence, et sans son ordre, je me trouve chargé de leur succès. Ayez la bonté de le rendre favorable, mademoiselle, s'il vous plaît, vous êtes toute propre à ranger la cour du parti que vous soutiendrez, et le suffrage de Madame votre mère est une autorité pour tout ce qu'il y a d'esprits délicats dans notre siècle, dont aucun ne soit jusques ici. Comme c'est cette considération qui m'a inspiré la liberté que je prens, c'est par elle que je prétends l'excuser, et obtenir la permission de me dire,
Mademoiselle,

Votre très humble et très obéissant serviteur
Barbin

 

LE LIBRAIRE AU LECTEUR


Jusques ici, je n'avais point eu de raison de m'adresser à vous, pour vous faire recevoir agréablement les productions d'esprit de Mademoiselle Desjardins. Le favorable accueil que vous leur avez toujours fait, et le soin qu'elle a pris de vous faire ses compliments elle-même, quand elle a jugé qu'il était à propos de vous en faire, m'ont épargné cette précaution. Mais comme celles de ses lettres que je vous présente aujourd'hui, m'ont été mises entre les mains, par des gens qui n'avaient pas reçu cette commission de sa part, et qu'il n'y a que l'estime que vous en ferez qui puisse m'excuser envers elle, de ce que je les fais imprimer sans sa permission. J'ai cru être obligé de vous demander votre suffrage en leur faveur. Vous n'avez pas besoin d'un grand effort pour m'accorder cette grace. Ce qui part du génie de cette illustre personne, porte sa recommandation avec soi, et les lettres dont je vous fais un présent aujourd'hui, ont été écrites en original, à des gens d'un discernement assez éclairé, pour devoir autoriser la publication de ce qui les a divertis dans leur particulier. Lisez-les donc, s'il vous plaît, comme des ouvrages qui n'ont pas été inventés à dessein de les exposer à votre censure, et vous y trouverez des relations ingénieuses, qui rendront à votre curiosité avec usure, ce que votre indulgence aura la bonté de leur prêter.

Voir aussi l'œuvre en ligne.