Lisandre. Nouvelle (1663)

portrait de Madame de Villedieu

 

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LISANDRE[1]

(dédié à S. A. R. Mademoiselle)

 

Lisandre passe par une ville agréable, cherche une compagnie et s’introduit, car son rang le lui permet, chez Lisidore qui tient le meilleur salon du lieu. Elle ne lui paraît pas avoir grand esprit, mais elle est jeune, blanche, blonde, elle a l’air doux ; les empressements de Lisandre sont accueillis avec une indifférence qu’il n’attribue qu’au peu d’esprit de la jeune femme ; aussi lui écrit‑il des lettres passionnées pour l’éveiller. Mais au cours d’une promenade, il l’aperçoit entretenant Lygdamis et lui exprimant des inquiétudes dans des termes doux, que ne laissaient guère présager ses conversations antérieures (p. 455).

Lisandre, éclairé, se décide à rompre aimablement avec elle. Mais il la trouve obsédée par une foule d’amants qui se plaignent, chacun chantant sa partie : il intervient alors pour défendre avec conviction l’abnégation en amour. L’adieu est fort plaisant, mais Lisandre est plus affecté qu’il ne veut bien dire, car il dormit « deux heures de moins » (p. 459). Il rencontre ensuite Arténire qui a l’avantage d’être paresseuse, donc vraisemblablement fidèle « par l’ennui et la peine qu’il faut prendre pour faire un nouvel amant » (p. 461). Comme auprès d’elle règne la liberté de dire impunément qu’on aime (p. 464), l’on va vite en besogne : Arténire donne aussitôt son nom et son adresse. Lisandre y court, mais il rencontre en sa place deux jeunes personnes tenant salon, l’une belle et altière, Dorise, l’autre plus vive et plus charmante, Cloriane. (deux jolis portraits contrastés pp. 469‑470). Tout en ayant des préférences pour cette dernière, il n’ose par « honnêteté » faire paraître son choix et adresse des vers tendres à toutes les deux. Dorise, dans un moment de gravité, tient à faire cesser le jeu et prend pour arbitre une aimable inconnue. On lui apporte les pièces du dossier, c’est à dire les poèmes reçus, mais la jeune personne n’en a pas besoin : elle les connaît par cœur et les récite par avance. Lisandre avait été son amant, et celui‑ci, par économie d’invention, puisait toujours dans le même répertoire ! Lisandre se fait chasser honteusement, mais sans désemparer court retrouver Arténire, persuadé, dans sa fatuité ingénue, « qu’elle le consolerait de cet accident » puisque tout « ne lui arrivait que pour l’amour d’elle ». Mais il se fait éconduire. Personne ne peut rien lui arracher du « secret de cette aventure ». « Arténire était d’un rang où Lisandre n’osait élever ses désirs ».

Voilà, Mademoiselle, tout ce que je sais des aventures de Lisandre. Si S.A.R. peut deviner si elles sont vraies ou non, elle me tirera d’un grand embarras ”.


[1] Éd. Barbin t. V (pp. 451‑489).