Le Portefeuille (1674)

portrait de Madame de Villedieu

 

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LE PORTEFEUILLE[1]

 

A Madame ***

(L’auteur feint d’avoir trouvé au Jardin des Simples un portefeuille qui contient des lettres, aux noms sans doute « supposés ». L’histoire qu’on y peut lire lui paraît si conforme au caractère des gens du monde qu’elle ne peut s’empêcher d’en faire profiter son amie.)

 

LETTRE I.

Le marquis de Naumanoir raconte à un gentilhomme de sa connaissance, présentement sur le front de Hollande, qu’il a été amené à rendre service à une jeune veuve de Normandie qu’un procès amène à Paris, Mme de Vareville. Tandis qu’il se rend chez elle pour lui présenter ses devoirs, il découvre sur un guéridon un billet d’une écriture qu’il connaît bien, celle de sa maîtresse, Mme de Monferrier : la dame y fait des avances à un rival. Très inquiet, le marquis interroge Mme de Vareville, qui s’empresse de lui révéler qu’il s’agit du Chevalier de Virlay, qui vient justement de la quitter pour cette nouvelle aventure. Le marquis se précipite chez le Chevalier et lui reproche sa trahison. Bien que confondu par le billet, perdu par lui et ramassé par Mme de Vareville, Virlay répond d’un air naturel :

Que diable voulez‑vous que fasse un homme de mon âge quand il se voit prié d’amour par une femme faite comme Mme de Monferrier… et savez‑vous un homme au monde assez ennemi de soi‑même pour refuser la bienveillance d’une des plus jolies femmes du monde ? ” (p. 8)

Devant cet aveu dénué d’artifice, Naumanoir reste abasourdi, mais, son ingrate lui paraissant « indigne du désespoir d’un honnête homme », il « ne lui fait pas l’honneur de lui reprocher sa perfidie » et se borne à lui adresser un sonnet ironique. (pp. 3‑11)

 

LETTRE II.

Naumanoir voyant Mme de Vareville douce, honnête et discrète, lui rend des services, mais elle se retranche sur l’amitié, sans toutefois se montrer intraitable. Mme de Monferrier demande des explications au marquis, qui se dérobe. Elle finit par forcer sa porte et lui soutient qu’elle n’avait d’autre intention, écrivant à Virlay, que d’éprouver son amour. Devant l’incrédulité de son amant, elle change de ton, fond en larmes et se met à sa merci. Naumanoir résiste difficilement à l’attendrissement, mais finit par rester ferme. (pp. 12‑18)

 

LETTRE III.

Les efforts de Mme de Monferrier pour « ramener » le marquis font sortir Mme de Vareville de sa réserve ; elle se laisse aller à de petites jalousies prometteuses. Tirant vanité du retour de sa coquette, Naumanoir, rencontrant Virlay chez un ami, l’avertit sournoisement, sous le couvert de propositions générales, d’avoir à se préparer à une prochaine disgrâce sentimentale. Le Chevalier comprend fort bien, et s’en va tout aussitôt faire des reproches à Mme de Monferrier qui, loin de se troubler, accuse la fatuité du marquis : il a pris sa « raillerie » « au pied de la lettre » ! Ainsi débarrassée des soupçons de Virlay, elle relance Naumanoir en se flattant de discerner du dépit dans son comportement (Billet p. 24). Excédé, le marquis répond par une lettre de rupture, tandis qu’il offre plus que jamais ses services à Mme de Vareville. Malheureusement il est troublé par des importuns écrivant, et intervertit les deux messages. Mme de Monferrier, qui a reçu la lettre de soumission, clame partout sa victoire, non sans attirer l’attention du Chevalier de Vareville, nouvellement pris dans ses filets. Il prie donc sa belle‑sœur, Mme de Vareville, de savoir la vérité sur cette prétendue réconciliation. Cette dernière, qui s’était tue prudemment en recevant par erreur la lettre de rupture « suspend » cette fois « les doutes obligeants » qu’elle avait conservés jusque là au sujet de ce billet :

Elle crut qu’il était écrit de commande pour satisfaire la vanité de sa rivale, et, ne pouvant me pardonner ce trait de mépris et de légèreté, elle me fit dire, quand j’allai chez elle, que je ne pouvais la voir ” (p. 28)

L’affaire s’éclaircit grâce à Mlle de Versomont, qui sait le marquis incapable d’une feinte. Mais pour désabuser la coquette qui ne veut pas démordre, il est à craindre qu’il ne faille user de « brusquerie ». (pp. 19‑31)

 

LETTRE IV.

Contraint donc d’être indiscret pour sauver « son amour et ses espérances », Naumanoir, muni du billet de Mme de Monferrier, se rend chez Virlay et lui prouve qu’elle ménage deux intrigues à la fois. Il compte bien que par amour‑propre, il se livrera de lui‑même à « l’éclat » qui remettra tout en ordre. Le marquis a vu juste, et les deux compères s’en vont chez Mme de Monferrier. Croyant qu’ils viennent la faire « opter », elle prend les devants, choisit Naumanoir, déclarant sans ambages au Chevalier qu’elle s’était servi de lui pour « réchauffer l’amour » du marquis « par un peu de jalousie ». Il sort furieux, et se plaint si haut des trahisons dont il a été victime que Naumanoir se trouve entièrement justifié auprès de Mme de Vareville. (pp. 31‑37)

 

LETTRE V.

Naumanoir accompagne à Saint‑Cloud Mme de Vareville et ses amies qui veulent voir M. de Valois. Malgré la saison, ils festoient chez Deschamps. Le Chevalier, rentrant de Versailles, vient à s’y arrêter aussi et querelle bizarrement Mme de Vareville de cette partie ; elle répond avec sensibilité. Naumanoir s’en étonne.

Elle me dit que c’était par prudence qu’elle en usait de cette sorte… et qu’il n’était pas d’une femme avisée de paraître en querelle avec un homme fait comme le Chevalier de Virlay ”. (p. 42)

Le marquis n’est pas convaincu ; il s’adresse cette fois au Chevalier, qui lui affirme n’avoir jamais eu pour Mme de Vareville que des « complaisances » afin de ne la point « désespérer ». Pour prouver sa bonne foi, il retourne à Mme de Monferrier. Nais Naumanoir, éperdu de reconnaissance, ne se doutait pas des raisons véritables qui motivent cette attitude. Il remet à la lettre suivante le récit du coup de théâtre. (pp. 37‑46)

 

LETTRE VI.

Mme de Vareville, lors de l’infidélité du Chevalier, avait souffert de voir que ce dernier ne s’était même pas donné la peine de lui fournir un « prétexte de rupture ». Il s’était défendu avec tant d’esprit et de finesse que la dame avait senti ses flammes se réveiller. Le Chevalier est sensible aux larmes qu’il lui voit verser, mais il lui objecte la parole qu’il vient de donner au marquis ; qu’à cela ne tienne, ils n’en jouiront que plus solidement du « ragoût du mystère ». Ils réussissent, à force d’ingéniosité, à se voir quotidiennement. Mais un jour, chez Frédoc,[2] quelqu’un traite Virlay d’« honnête fripon » ; il se défend en souriant, ne concédant que la qualité de « coquet ». Naumanoir est troublé ; il va chez Mme de Vareville, après avoir naïvement parcouru la capitale pour découvrir les retraites du Chevalier. Elle commence par nier plaisamment, mais Virlay, avec cynisme et insolence, apparaît tout à coup. (pp. 46‑55)

 

LETTRE VII.

Il fait le récit de son « raccommodement » avec des « raisonnements et des excuses ». Quant à Mme de Vareville, elle répond « sans s’émouvoir » :

Est‑il en mon pouvoir de vous empêcher de m’aimer et m’avez‑vous crue quand je vous ai conseillé de bonne foi de n’avoir pour moi que de l’estime et de l’amitié ? ” (p. 57)

Le marquis lui rappelle alors certains signes qui révélaient du dépit :

Vos manières démentaient vos paroles ». Finalement, elle avoue tranquillement qu’il fallait un rival au Chevalier « pour échauffer ses désirs », raison péremptoire qui exclut « reproches et remontrances ”. (p. 55‑59)

 

LETTRE VIII.

Mme de Monferrier est informée de l’incident par le Chevalier de Vareville, toujours à sa dévotion. Ayant soigneusement épié sa belle‑sœur, il raconte comment les deux amants dupaient Naumanoir, allant jusqu’à lui confier leurs lettres de rendez‑vous. Ecœuré, le marquis, que Mme de Monferrier ne ménage pas, se rend à la beauté et au charme de la coquette, mais sans enthousiasme, on s’en doute ! Le pauvre Chevalier de Vareville est moqué. (pp. 59‑63)

 

LETTRE IX.

Incorrigible, Mme de Monferrier, « par gageure », a « rattaché à son char » le Chevalier de Virlay, tout en se « piquant de compassion » pour Vareville ; elle a conquis en même temps deux étrangers et un autre amant, et Naumanoir, qui a le mauvais goût de se plaindre, est traité de « bizarre ». Virlay s’émeut bien moins et moissonne les succès. A ceux qu’on pouvait déjà dénombrer, s’ajoute la passion d’une jeune Bretonne, que le marquis rencontre à la foire Saint Germain, et qui lui découvre toutes les intrigues que le Chevalier noue simultanément. Décidée à constituer une « ligue solennelle » contre lui en s’alliant à toutes ses rivales, elle se laisse pourtant reprendre à la première protestation de tendresse, et c’est elle qui demande pardon ! Bref, Naumanoir est stupéfait :

Je ne trouve dans tous les cœurs que de la tendresse et des indulgences pour cet ingrat ; on est persuadé de ses tromperies sans avoir la force de lui en vouloir du mal : les charmes de sa personne font oublier sa méchante foi… ” (pp. 68)

 

LETTRE X.

Le marquis, après un séjour à la campagne où il est allé passer les fêtes de Pâques, revient édifié sur le compte des dames de province, à qui celles de Paris « pourraient porter envie ». Qu’on en juge.

 

La Galanterie sans éclat.

Mme d’Albimont, jeune et austère veuve, est donnée en modèle de maintien à toutes les jeunes filles de la région, et particulièrement à Mlle de Saint Ormin, que ses parents empêchent de converser librement avec son prétendant, le marquis d’Altevois. Celui‑ci se met en tête de faire tomber le masque de cette fausse prude et

de persuader au public qu’elle n’était pas aussi ennemie de l’amour qu’elle voulait le paraître... » « On vit courir des billets de galanterie qui semblaient lui être adressés et qu’on disait sourdement être tombés de sa poche ; on sema des vau‑de‑ville sur les airs du nouvel Opéra, où elle était accusée de plus d’ostentation que de solide vertu ”. (p. 72)

Ce procédé indélicat se révèle efficace. En effet, comme d’Altevois continuait sa distribution coutumière, il observe le visage altéré de Coursivaux[3]. Le marquis le questionne, et il finit par avouer sincèrement

qu’il aimait Mme d’Albimont dès avant la mort de son mari ; que cette intrigue avait continué depuis son veuvage, et qu’ils l’auraient conclue par un mariage public, s’ils ne s’étaient fait un plaisir secret de leur aventure et n’avaient de concert résolu de la prolonger autant qu’ils le pourraient ”. (p. 75)

Suit une analyse de ce type de plaisir, et des diverses occasions où, à force de dissimulation, ils parvenaient à s’y livrer. Pour s’assurer en paix cette jouissance, il fallait absolument que Mme d’Albimont fût prude aux yeux de tous, et presque aux siens !

Le succès ayant passé ses espérances, le marquis se réjouissait de régaler Mlle de Saint Ormin de ses découvertes, mais celle‑ci avait justement une semblable révélation à lui faire !

Cette femme si exemplaire et en apparence si ennemie de l’amour avait deux amants contemporains, et, à l’ombre d’une réputation qu’on n’eût osé ternir sans crime, elle se ménageait tout ce que la fine Galanterie a de plus agréable et de plus ragoûtant ”. (p. 81)

Apostille.

Naumanoir se trouve « diverti et fort consolé » par cette histoire,

connaissant que toutes les coquettes ne m’avaient pas été adressées, j’ai regardé le malheur d’être trahi des dames comme un mal commun qui se soulage par le nombre de gens qu’on y voit avoir part ”.

Le marquis clôt sa lettre par l’annonce de son départ pour son régiment. (pp. 69‑81)

 

[1] Ed. Barbin, t. II. L’œuvre comporte un Sonnet et 3 Billets.

[2] cf. Chap. X. p.

[3] ami commun de Naumanoir et de son correspondant, non présenté dans la lettre.