Le Carousel de Monseigneur le Daufin à Mademoiselle de Montausier (1662) : Mademoiselle

Marie-Catherine de Villedieu, gravure de Charles Devrits (1845)

Le Carousel de Monseigneur le Daufin à Mademoiselle de Montausier,
Paris, chez Mille de Beaujeu, rue de Reims, 1662 :
 

MADEMOISELLE,

La continuelle assiduité que le rang de Madame votre mère, et votre propre inclination, vous obligent de rendre à Monseigneur le Daufin, vous a peut-être fait croire qu'il ne faisait rien dont vous ne fussiez informée: Cependant, mademoiselle, j'oserais jurer qu'il vous a dérobé la connaissance d'un carousel dont je m'imagine que vous serez bien aise d'avoir une petite relation.
Un jour qui semblait avoir été fait exprès pour contribuer aux divertissements d'une très galante fête, Monseigneur le Daufin fut porté par une des grâces dans une grande prairie émaillée de diverses pleurs, et fermée par une balustrade d'albâtre ;

[...]

Pendant cette cérémonie, une nuée emporta notre jeune prince, son trône et son équipage, et il ne resta que son cœur qui fut porté en triomphe dans le palais de la jeunesse, où l'on dit qu'il sera en dépôt, jusques à ce que la Gloire, la beauté, et la galanterie lui aient à frais communs bâti un Temple ; Voici, Mademoiselle, que fut le carousel de Monseigneur le Daufin, je le vis d'une des fenêtres du Parnasse, où une Muse de mes amies m'avait introduite, et comme je m'aperçus que vous n'y étiez point, je jugeai que cette grâce qui avait apporté Monseigneur le Daufin l'avait assurément dérobé, de sorte que pour obliger Madame votre mère, à donner ordre que les grâces et les vertus ne lui enlèvent pas si tôt ce précieux trésor, j'ai cru devoir vous avertir de tout ceci ; recevez, s'il vous plaît, cet avis comme une marque du zèle que je vous ai voué dès le moment de votre naissance, et qui me fait vous protester que je suis la personne du monde,
Mademoiselle,
Votre très humble, et très obéissante servante,
Desjardins.

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